samedi 14 avril 2012

Médecin ou intervenant-e lesbophobe: comment réagir?

Comment réagir à la lesbophobie des médecins et des intervenant-e-s que nous rencontrons?


Existe-t-il des clés pour réagir face à un-e intervenant-e, médecin qui est lesbophobe? Qui pose des questions ou fait des réflexions déplacées, injustifiées? Comment prévenir ces situations?


Ouvertement lesbophobe?


La plupart des intervenant-e-s ne sont pas ouvertement lesbophobes. Malheureusement, cela peut néanmoins arriver. Dans ces cas,

    • mettre ses limites, dire son désaccord, le plus possible et le plus vite possible : « je ne suis pas d'accord avec vous, vous vous trompez », « vous ne savez pas mieux que moi qui je suis et la valeur de ce que je suis », « je ne me sens pas respectée, je veux être aidée et accompagnée par quelqu'un-e qui n'est pas lesbophobe »,...

    • se lever et partir. Et cela, sans culpabilité! Car c'est de la protection, c'est une force de le faire. Nous en tant que filles et femmes, nous avons été souvent socialisées en apprenant à respecter, à douter de notre droit à poser nos limites. Non, c'est non! Partez en toute confiance de vos ressentis et de votre droit à ne pas rester dans une situation où vous n'êtes/ ne vous sentez pas respectée, peu importe ce que dit l'autre.

    • Payer ou pas la consultation ? L'avantage, c'est d'avoir un élément de preuve d'y être allée, si vous comptez déposer une plainte, bien que cela ne donnera aucune preuve de la lesbophobie de l'intervenant-e. L'inconvénient, c'est de se sentir « eue », que l'autre ne subit aucun préjudice d'avoir été violent-e!

    • au besoin, porter plainte à l'ordre des médecins, des psy...


Inadéquat-e-s?

Ce qui peut arriver de manière plus fréquente, c'est que les intervenant-e-s, les médecins sont inadéquat-e-s. Soit dans leur façon d'être, soit dans leurs pratiques, soit les deux.

La plupart sont hétérocentré-e-s, comme l'est la société. Ils-elles pensent que tout le monde est hétéro ou comme si tout le monde devait l'être, a priori. Elles-ils peuvent aussi être gay-centré-e-s (intervenir avec les LESbiENNES comme avec les gays, confondre leurs besoins et leurs réalités avec celles des gays) ou femmes-centré-e-s (intervenir avec les LESbiENNES comme avec les femmes, ne pas tenir compte de leur besoins et réalités relatifs au fait d'être LESbiENNE). Il faut savoir que la plupart des intervenant-e-s et des médecins sont sans formations initiale, ni continuée, au sujet des réalités des lesbiennes et des femmes bisexuelles.

Dans ces situations, il est plus difficile de réagir... C'est moins clairement lesbophobe, c'est plus flou... Pourtant les conséquences peuvent être importantes : cela peut provoquer ou renforcer un mal-être, nous allons recevoir des mauvaises infos/ conseils/ examens, parfois, il peut y avoir des effets iatrogènes possibles (effets secondaires dus au traitement même). Les impacts sont encore plus négatifs en fonction du degré d'acceptation de soi au sujet de son orientation sexuelle, du sexisme, de homophobie et de l'hétérosexisme vécus et intériorisés, du degré d'affirmation de soi, de la fragilité du réseau social proche, etc...

    • garder son esprit critique en éveil, garder confiance dans ses ressentis

    • mettre ses limites autant que possible, parler de son malaise face aux propos, aux attitudes que l'on trouve inadéquats par rapport à nos besoins : « je pense que ce que vous dites, ce n'est pas ma réalité, mon besoin en venant vous voir est de..., pouvez-vous m'assurer que vous pouvez bien m'accompagner à ce sujet ? », « avez-vous une formation sur les LESbiENNES et leurs besoins en termes de santé? Comment comptez-vous vous former car je veux être bien prise en charge ? », « je me sens mal à l'aise par rapport à ce que vous dites, comment pouvons-nous créer une relation de confiance pour que l'accompagnement puisse se faire? ». Les intervenant-e-s et les médecins n'ont pas vraiment l'habitude que l'on se mette « à égalité » avec eux-elles, que l'on soit les guides de l'accompagnement, elles-ils peuvent en être étonné-e-s. Mais si l'intervenant-e se montre conciliant-e, se remet en question, a une attitude d'écoute et de respect, c'est bon signe pour la suite! Si par contre, il-elle se montre agacé-e, s'énerve, vous dit que vous avez un problème ou alors, vous dit clairement qu'elle-il n'est pas sûr-e de pouvoir bien vous accompagner étant donné ses valeurs, croyances, connaissances, alors, vous savez ce qu'il vous reste à faire: chercher un-e autre professionnel-le!

    • ne pas accepter d'interventions/ d'examens que l'on ne souhaite pas, qu'on l'on ne sent pas. Se faire confiance. Il n'y a jamais une obligation à se faire examiner!

    • Au besoin, utiliser « la phrase à 3 strates »:

      • Quand vous dites/ faites cela... (décrire le plus précisément possible)

      • Je me sens ... (en colère, mal, triste, vexée, déçue, incomprise...)

      • Je veux que ... (vous me respectiez, que vous cessiez de..., mettre fin au rendez-vous...)

    • Au besoin, quitter la pièce et changer de médecin

    • Au besoin, porter plainte à l'Ordre des médecins, des psy...


Les chouettes...

Trouver des médecins adéquat-e-s, c'est possible. Ca permet de prévenir les situations décrites ci-dessus...

    • utiliser le bouche à oreille, entre ami-e-s, en consultant des forums, des blogs... Mais tout en gardant l'esprit critique en éveil, car un-e médecin peut être super pour quelqu'une et pas pour une autre, il y a une relation de confiance qui doit se construire

    • au besoin, vous faire accompagner d'une amie pour la ou les premières fois. Mais seulement à votre demande (pas sur l'insistance de votre petite amie par exemple) et peut-être pas à chaque rendez-vous, car une consultation, ça reste quand même un lieu privé, pour vous-même!

    • chercher, se donner le droit de chercher un-e intervenant-e adéquat-e pour vous, ce n'est pas toujours (presque jamais d'ailleurs) la première personne venue! Mais oui, vous allez trouver « the » intervenant-e qui pourra vous accompagner, c'est sûr!

    • « tester » l'ouverture et la connaissance des médecins, soit en disant d'emblée votre orientation sexuelle si c'est possible pour vous, soit en le faisant comprendre (« c'est une amie lesbienne qui m'a donné vos coordonnées ») et observer les réactions du/ de la médecin. En fonction de sa réaction, prendre votre baromètre et voir si ça va pour vous d'être accompagnée par cet-te intervenant-e, médecin...

    • Garder confiance, il existe beaucoup de médecins qui sont très bien et de plus en plus se forment sur ces sujets. Vous pouvez consulter un-e intervenant-e plus spécialisée au sujet de la santé des lesbiennes, mais il y a aussi plein d'autres qui ont ce supplément d'humanité et de professionnalisme nécessaire pour être adéquat-e-s et avec qui vous pouvez faire un bout de chemin et être bien accompagnée (ces médecins se formeront en conséquence de leurs besoins pour vous accompagner, cela leur permettra aussi d'être mieux formé-e-s pour d'autres!)


Que faire encore?

Il y a encore d'autres pistes à suivre...

    • nous sensibiliser, nous solidariser les unes les autres, en nous racontant les difficultés et les succès avec nos médecins, en s'échangeant nos trucs et ficelles, nos bonnes adresses...

    • nous aider et nous soutenir les unes les autres pour consulter un-e gynéco et faire un dépistage régulièrement (chaque année, un rendez-vous!)

    • pour celles qui peuvent se le permettre, sensibiliser et informer nos médecins et intervenant-e-s (même si notre consultation n'a rien à voir avec notre orientation sexuelle!), en nommant notre orientation sexuelle, notre lesbianisme, afin qu'ils-elles se conscientisent que nous sommes là, dans leur clientèle, nous rendre visibles.

mercredi 4 avril 2012

A cause d'elles...

Quelle est la cause, le gêne ou la gêne?


Il y a toujours – et encore actuellement - des personnes qui ont cherché à connaitre "les causes" de l'homosexualité... Du moins, depuis que cela existe. C'est-à-dire depuis pas si longtemps que ça!

Les amours entre personnes de même sexe ont toujours existé, bien sûr ! Mais le regard social sur leurs relations et leurs amours a beaucoup changé à travers le temps et dans le monde... On remarque de nettes variations. Par exemple, la position des sociétés judéo-chrétiennes, historiquement, semble rejeter les pratiques sexuelles et les amours entre deux personnes de même sexe. Cela n'a pas toujours été le cas. Des historien-ne-s tel-le-s que John Boswell et plus proche de nous, Florence Tamagne, ont étudiés les représentations à ce sujet. A certains moments, l’Église catholique a même été tolérante par rapport aux relations entre personnes de même sexe. Mais diverses raisons économiques, politiques, sociales ont ensuite concouru à ce que l’Église se replie et se referme au sujet des amours entre personnes de même sexe, tout comme sur d'autres sujets tels que la contraception, les pratiques sexuelles entre personnes de sexes différents, ce que c'est être un homme, une femme, un couple, une famille...


Ce n’est que plus tard que le mot "homosexualité" est né. Comme le mot hétérosexualité, il apparait seulement vers 1885, au moment où le pouvoir médical prend la relève du pouvoir religieux en ce qui concerne les connaissances universitaires. En miroir de l'évolution du regard social porté sur les personnes dites inverties, la médecine n'allait plus tant condamner, comme c’était le cas du pouvoir religieux qui considère que c'est un pêché mortel, que chercher à traiter : l'idée dominante à partir de cette époque est que l’homosexualité est une maladie psychologique. Ils allaient chercher les causes pour « guérir » les personnes.


Cette position a changé à mesure que la société a évolué vers plus de tolérance et d'acceptation sur l’homosexualité, jusqu’à ce que les médecins et les chercheurs considèrent finalement que ce n'est pas une maladie, ils n'en trouvaient en outre pas les causes et ils ont mis en évidence que les symptômes éventuels de ces personnes étaient davantage dus aux pressions sociales et familiales qu’elles subissaient, plutôt qu'à une maladie psychologique.


Le corps médical et psy a petit à petit sorti l'homosexualité des guides des maladies mentales (APA, DSM...), et, depuis 1991, TOUS les pays (y compris le Vatican et les pays arabes) ont ratifié une proposition de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) pour dire que l'homosexualité n'est pas une maladie...


Cependant, que l’homosexualité ne soit plus considérée comme une maladie n’a pas arrêté les recherches sur les "causes" de l’homosexualité. On ne compte pas le nombre d'études qui ont vu le jour pour tenter de les identifier ! Certaines recherches sont faites dans une perspective essentialiste (ce serait dans la "nature", l'inné, c'est dans les gènes, le cerveau, les hormones...), d'autres sont orientées dans une perspective constructiviste (ce serait dans l'évolution, dans l'histoire de la personne, dans l'acquis, c'est dans la petite enfance selon le freudisme, les apprentissages sociaux, la théorie du rôle et de l'étiquetage...). A noter qu’une bonne partie de ces recherches sont franchement rigolotes avec un peu de recul… Si elles n'avaient pas d'implications concrètes sur des personnes, si elles ne se présentaient pas comme des vérités, on ne devrait même pas écrire un post sur ce blog! On pourrait seulement en rire!


Le bilan de ces recherches des "causes" ? Personne n'a pu trouver un facteur, ni même un ensemble de facteurs explicatifs, qui permet d'expliquer de manière valide scientifiquement la cause de l'homosexualité… Divers arguments ont été mis en œuvre, aucun ne résiste à la critique.

Mais le plus important à notre avis, c’est de connaitre les raisons de cette recherche permanente des "causes"… Cherche-t-on les causes de l'hétérosexualité??? Non... Parce que l'on considère que c'est "normal" ! Mais en fait, l’hétérosexualité n'est pas plus normale, elle est juste plus fréquente, ce n'est pas la même chose !


Chercher les causes, c'est considérer qu'il y a un problème, comme une machine cassée, on cherche la panne, pour arranger le problème (c’est à dire, "enlever" l'homosexualité, les amours entre femmes, entre hommes du monde)... Ce n'est juste pas possible. Et surtout, ce n'est pas souhaitable, car la diversité entre les humains fait partie de la vie et de ses forces...


Par ailleurs, il n’y a pas une homosexualité opposée à l’hétérosexualité : bien au contraire, l’orientation sexuelle est un continuum, qui va de ‘exclusivement hétéro’ à ‘exclusivement homo’, en passant par toute une palette de bisexualités, comme l’a décrit Kinsey. Et la bisexualité et l'homosexualité sont plus fréquentes que l'on croit...


Le problème, en bref, ce n'est pas l'homosexualité, c'est l'homophobie et le sexisme. Et les causes de ces derniers, on les connait, on peut facilement voir comment ils se construisent, se matérialisent et aux bénéfices et aux dépends de qui !


santedeslesbienne@gmail.com

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